« Si je t’avais rencontré plus tôt, ma vie aurait été meilleure ». C’est ce qu’elle m’a avoué, un sourire au coin des lèvres avant de fondre en larmes.  Cica a une vingtaine d’années mais on peut aisément lui en donner plus. Mère de jumeaux depuis deux ans, c’est en classe de quatrième que la jeune fille originaire de Dassa situé au centre du Bénin, est tombée enceinte, sans le vouloir.

 

Âgée de 16 ans à l’époque, elle a pu bénéficier du soutien de sa mère, revendeuse. Grâce à cette dernière, Cica a connu une grossesse et un accouchement faciles. Mais, une fois ses deux enfants venus au monde, elle a dû abandonner les cours pour aider sa mère dans son commerce. Depuis 2ans, elle ne fréquente plus mais se bat au quotidien pour nourrir ses enfants.

Informée d’une sensibilisation grand public au centre des jeunes de sa localité à l’occasion de la Journée Mondiale de la Contraception (JMC) en 2017, elle s’y est rendue par curiosité. Ce qui était censé être un banal déplacement est devenu une vraie occasion de découvertes pour la jeune mère. Pour la première fois, elle entend un spécialiste parler des méthodes de planification familiale. Elle attendit la fin des activités pour me confier « Madame, je suis remplie de tristesse et de regrets. Je me rend compte que tout aurait été différent si j’avais été informée des avantages de la planification familiale plus tôt ».

A l’occasion de la JMC, les évènements affluent, les partenaires s’engagent et la « planification familiale » devient le groupe de mots le plus utilisé dans les médias. Mais pourquoi devrons-nous toujours attendre le 26 septembre alors que des indicateurs existent et nous interpellent sur une situation qui devient de plus en plus préoccupante ?

Comme Cica,  des milliers de jeunes filles béninoises ont eu une grossesse non désirée durant l’année scolaire 2016-2017. Le Ministère de l’enseignement secondaire et technique et de la formation professionnelle a enregistré 2763 cas de grossesses précoces dans les lycées et collèges du Bénin  au cours de cette année scolaire.

A ces statistiques s’ajoutent les données de l’Enquête Démographique de la Santé (EDS-V, 2017-2018). Elles révèlent que 32% des besoins en planification familiale restent encore non satisfaits et le taux de fécondité de 4,7 en 2012 est désormais de 5,3 par femmes. D’un point de vue social, les rumeurs semblent prendre le dessus sur les avantages empêchant ainsi l’adoption d’une méthode de planification familiale et favorisant, de ce fait, les avortements clandestins, la déscolarisation, et parfois, la perte en vies humaines.

Si la planification familiale renforce les droits des populations à choisir le nombre d’enfants qu’elles souhaitent avoir au moment voulu, son inaccessibilité devient une violation des droits des populations, notamment ceux des filles et femmes. Elle offre la possibilité à qui le désire :

–         d’avoir le nombre d’enfants souhaité ;

–         de prévenir les risques sanitaires liés à la grossesse chez les femmes ;

–         de réduire la mortalité infantile ;

–         de contribuer à la prévention des IST/VIH/Sida ;

–         de donner aux populations la capacité d’agir, de renforcer l’éducation et d’accélérer la croissance économique ;

–         de réduire les grossesses précoces et/ou non désirées chez les adolescentes ;

–         de ralentir la croissance exponentielle de la population.

Par conséquent, ne pas offrir l’occasion à une fille ou une femme de bénéficier de ces droits, c’est l’empêcher d’accomplir son potentiel, d’être épanouie, de réaliser ses rêves et de participer activement, au processus de développement de son pays.

Nous connaissons aujourd’hui l’histoire de Cica. Mais nous ignorons celles de toutes ces filles qui, comme elle, ont dû abandonner leurs rêves pour un manque d’informations.

N’est-il pas temps d’agir conjointement et efficacement de manière à préserver la santé de nos filles et mères ?

Il urge aujourd’hui d’amplifier la sensibilisation sur la planification familiale auprès des jeunes filles (des lycées et collèges). Il est également temps de laisser de côté les a priori, d’abandonner les préjugés et de s’engager fortement pour un monde meilleur, dans lequel chacun opère en toute conscience et responsabilité les choix efficaces pour son avenir.

Obinrin, parlons femmes, parlons développement !

Irmine Fleury Ayihounton

Irmine Fleury Ayihounton

Béninoise née le 12 Avril à Cotonou, je suis Spécialiste en Développement Communautaire et je poursuis actuellement une maîtrise en santé publique à l'Université de Montréal. Je m'investis au quotidien sur les questions de santé de reproduction, de leadership et développement des filles et femmes d'Afrique.

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