Cette semaine, nous partageons avec vous le témoignage poignant d’une jeune femme victime de mariage forcé. Sortie de cette expérience douloureuse, elle s’engage désormais à se mettre au service des autres filles et femmes afin de les mettre à l’abri de tout type de violences.  Puisse ce témoignage être pour chacun et pour tous un signe de ce que l’espoir en un demain meilleur est permis en luttant contre les violences à l’égard des filles et des femmes au sein de nos différentes communautés.

« Originaire du Niger, j’ai été victime de mariage précoce et forcé. Je n’avais que 14 ans en ce temps-là et j’allais toujours à l’école, en classe de 4ème. Je n’étais pas nulle. Pour preuve, au premier trimestre de l’année académique, j’avais 14 de moyenne, je rêvais grand mais ce que je ne savais pas, c’est que mon oncle avait d’autres projets pour moi.

Il avait organisé mon mariage avec un homme de 34 ans. Mes études devaient prendre fin après le premier trimestre de l’année académique, me laissant avec un avenir sombre et des rêves brisés. Un vendredi soir après les cours, pendant que je rentrais, les gens du village que je croisais m’appelaient tous la jeune mariée avec des éclats de rire. Je ne comprenais rien. Jusque-là, j’ignorais toujours ce qui se passait chez moi à la maison. Lorsque je suis rentrée, j’ai vu ma mère et mes sœurs toutes en larmes. Étonnée, je me suis rapprochée de ma mère pour connaître les raisons de leurs agitations et des pleurs mais elle est restée sans mot dire. Elle me fixait juste dans les yeux malgré mes nombreuses questions. Sur insistance et après une demi-heure qui m’a semblé une éternité, ma mère me répondit « tu es la cause de ces larmes » et a indexé le panier de colas qui était dans la cour. Au Niger, des noix de cola dans un panier annoncent un mariage. J’ai finalement compris qu’il s’agissait de mon mariage.

Furieuse, j’ai quitté la maison en pleurs et je me suis rendue en brousse où j’ai passé 03 jours pour fuir ce maudit mariage. Durant ce temps, mon oncle et mes frères sont partis à ma recherche. L’un de mes frères m’a finalement découverte dans la brousse et m’a ramenée à la maison, me promettant qu’il n’y aurait plus de mariage. Quand nous sommes rentrés, tout le monde était présent. Mon oncle a tenu, pour responsable de ma fuite, ma mère, sous prétexte que ce serait elle qui me poussait à m’opposer à sa décision. Je pouvais lire sur le visage de ma pauvre mère, qui n’a jamais connu le bonheur dans son foyer, la tristesse et le regret de ne pouvoir empêcher ce drame. Mon oncle l’avait menacée de divorce si elle ne faisait pas en sorte que j’accepte le mariage. Et dans notre coutume, quand les frères ou sœurs de tes parents prennent une décision à ton sujet, tes parents n’ont pas le droit de s’y opposer. J’ai donc été victime de cette coutume. J’ai beaucoup pleuré, j’ai demandé de l’aide mais personne ne voulait ou du moins ne pouvait m’aider.

Le mariage a effectivement eu lieu et j’ai rejoint mon époux. Pendant un bon moment, je refusais d’avoir toute relation sexuelle avec mon mari. Ce dernier me frappait toutes les nuits, c’était devenu mon quotidien. Une nuit, il était à bout et a juré me tuer si je résistais encore à ses attouchements. C’est ainsi que je connus mon premier rapport sexuel avec la chicotte. Il m’a dévirginisé avec force. J’ai eu très mal et j’avais même eu des déchirures. Tout ce qui importait à mon mari, c’était se satisfaire. Nous avons fini par quitter mon village natal pour aller dans un autre village à plus de 1300 Km. Je suis tombée enceinte et j’ai accouché d’un enfant mort-né de sept mois, à cause des tortures, à l’âge de 15 ans ; il n’a pas cessé de me frapper et ne me donnait pas à manger aussi. Un an plus tard, je suis tombée à nouveau enceinte et j’ai accouché d’un garçon qui a cinq ans maintenant. Aujourd’hui, je ne vis plus avec mon mari. J’ai retrouvé le chemin de l’école grâce à UNFPA-Niger. Inch’Allah, cette année (2018) je vais faire mon bac en électricité.

J’ai maintenant 21 ans et je rêve d’être une ingénieure en électricité. J’ai à ma charge mon enfant et la fille de ma sœur décédée. Mes parents n’ont toujours pas compris la gravité de ce mariage dont j’ai été victime et s’apprêtaient  encore, n’eût été ma vigilance, à marier ma nièce orpheline à un garagiste. Ce n’est pas très facile pour moi parce que tout le monde autour de moi m’a tourné dos mais j’espère m’en sortir ».

Cette histoire nous plonge dans la douloureuse expérience que font toutes ces filles, mariées de force et obligées, trop tôt, de mener une vie d’adulte à laquelle elles n’étaient pas préparées. Nous pouvons nous réjouir de la fin de l’histoire de cette jeune filles qui, grâce à un heureux coup du destin, a pu s’en sortir. Malheureusement, elles n’ont pas toutes cette chance.

C’est ici le moment de remercier encore une fois, toutes ces structures qui œuvrent au quotidien pour le respect des droits des filles et apportent leur plein soutien à toutes ces filles victimes de violences.

Irmine Fleury Ayihounton

Irmine Fleury Ayihounton

Béninoise née le 12 Avril à Cotonou, je suis Spécialiste en Développement Communautaire et je poursuis actuellement une maîtrise en santé publique à l'Université de Montréal. Je m'investis au quotidien sur les questions de santé de reproduction, de leadership et développement des filles et femmes d'Afrique.

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