Chaque année, depuis 16 ans, tous les acteurs impliqués dans la défense des droits des femmes et de promotion des droits sexuels et reproductifs se mobilisent pour décourager la pratique des mutilations génitales féminines (MGF). En effet, depuis 2003, le 06 février est consacrée journée mondiale « Tolérance zéro contre les mutilations génitales féminines ».

A propos des mutilations génitales féminines, l’Organisation mondiale de la santé distingue quatre formes https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/female-genital-mutilation : l’excision, la clitoridectomie, l’infibulation et des pratiques diverses, non classées, dont la ponction, l’incision ou le déchirement du clitoris. Cependant, le développement de l’excision fait que les MGF sont assimilées à cette seule forme.

Selon les statistiques livrées par Plan International en 2018 https://www.plan-international.fr/info/actualites/news/2016-02-03-lexcision-une-lutte-mondiale-pour-les-droits-des-filles, l’excision concerne 200 millions de filles et de femmes dans 30 pays du monde. Elle est principalement développée en Afrique où l’on estime le nombre de victimes à 92 millions. Si la Somalie et la Guinée sont les deux pays les plus touchés en Afrique, le Bénin enregistre également des cas de mutilations génitales féminines.

Pour en savoir davantage sur la situation actuelle des MGF au Bénin, l’équipe d’Obinrin a rencontré le Professeur Sosthène ADISSO, gynécologue-obstétricien. Voici l’entretien qu’il nous a accordé.

Obinrin : les MGF seraient perçues comme une pratique empêchant les jeunes filles et femmes d’avoir des envies sexuelles. Qu’en dites-vous ?

Les MGF ont comme fondement illustratif un frein à la libido démesurée qui est connue par les hommes comme un gage d’immoralité. Cette perception remonte à la nuit des temps dans certaines communautés. Certains expliquent cela comme une source, une vertu contre certaines maladies d’impureté, des croyances et coutumes et utilisent cette pratique pour conférer à la fille un statut social ou familial privilégié. Ceci a développé une stigmatisation des filles non excisées qui sont victimes de sanctions sociales sous certains cieux comme le refus de droit de funérailles, refus de mariage etc.

 

Obinrin : De 13% en 2006, les MGF sont passées à 7% en 2012. A quoi est due cette baisse au Bénin ?

Dans notre pays et dans la plupart des pays sur notre continent où cette pratique sévit, des institutions internationales comme l’UNFPA et l’INICEF sans oublier l’OMS, nous ont beaucoup aidés à prendre conscience du fléau qui est une atteinte morbide importante à la femme et spécifiquement à la personne humaine dans son droit d’existence.  Cela a permis aux organisations de la société civile chez nous d’intensifier la lutte contre ce fléau.

Obinrin : Y-a-t-il d’autres chiffres récents au sujet des MGF au Bénin ?

Nous avons 72% de filles et femmes peulhs qui sont excisées au Bénin, 0% de filles et femmes adja ou fon en 2015.

Obinrin : Quelles ont été les actions entreprises pour freiner ce fléau ?

Les actions diverses ont porté sur les droits humains et les changements des normes sociales dans les communautés (déclaration publique et loi 2003-03 du 03 mars 2003) au Bénin qui interdit cette pratique avec des mesures subséquentes. L’implication des leaders religieux et coutumiers au niveau de la communauté l’action de sensibilisation et de dénonciation des organisations de la société civile du personnel de santé constituent des points forts d’action qui ont influencé la prévalence des MGF. Certaines ONG ont utilisé des modules de formation spécifiquement pour donner aux personnes impliquées dans la formation de base, les éléments favorables à la connaissance du fléau et les contours des actions à mener. Des actions réparatrices des séquelles des MGF ont été entreprises. De nos jours les femmes excisées engagées dans la lutte contre ce fléau réclament la création au Bénin de centres de réparation des séquelles des MGF à l’instar de certains pays.

Obinrin : La lutte contre les MGF au Bénin, c’est aussi la loi 2003-03 du 03 mars 2003. Pensez-vous qu’elle a un effet dans ce combat ?

La loi 2003-03 du 03 mars 2003 portant répression de la pratique des mutilations génitales féminines en République du Bénin constitue un pas de géant dans notre pays et un élément de confiance aux organisations de la société civile impliquées dans cette lutte.

Obinrin : Que devons-nous faire aujourd’hui pour lutter contre cette violation des droits des filles et des femmes ?

Renforcer par des ressources adéquates les actions qui continuent sur le terrain ; accorder un prix encore plus élevé à la scolarisation des filles ; œuvrer pour une participation communautaire plus soutenue de mesures d’amélioration des comportements socioculturels qui défient encore l’idée d’éradication de ce fléau. Le renforcement de la pression des lois favorables à l’éradication de ce fléau est nécessaire. Insérer dans les programmes de formation des aspects significatifs et motivateurs de la lutte pour abandonner cette pratique. Enfin, faire une incursion dans notre culture des droits de la femme à partir des droits de l’homme.

Les jeunes filles et les jeunes gens doivent être accompagnés à comprendre les dangers de ce fléau et organiser leur adhésion au changement nécessaire dans notre vie socio-culturelle.

Irmine Fleury Ayihounton

Irmine Fleury Ayihounton

Béninoise née le 12 Avril à Cotonou, je suis Spécialiste en Développement Communautaire et je poursuis actuellement une maîtrise en santé publique à l'Université de Montréal. Je m'investis au quotidien sur les questions de santé de reproduction, de leadership et développement des filles et femmes d'Afrique.

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