Désormais plus connue comme une webactiviste, la journaliste camerounaise Minou Chrys Tayl reste convaincue que les femmes ont du pouvoir. Pour elle, les femmes ont la capacité de surmonter les difficultés de la vie et elle-même en donne la preuve. Minou Chrys Tayl est en effet, une survivante des violences faites aux femmes. C’est d’ailleurs cette mésaventure qui lui permet de tendre la main forte à toutes ces femmes africaines avec qui la vie n’a pas toujours été très clémente. L’équipe du blog Obinrin vous invite à lire cet entretien que cette défenseure des droits féminins a bien voulu lui accorder.

 

Obinrin : Minou Chrys Tayl, c’est l’histoire d’un grand amour qui a tôt fait de céder sa place à une série de violences. Mais, au fond, comment tout a commencé? 

Minou : Il faut noter que les violences ne commencent pas au début d’une relation. Ma souffrance a duré plusieurs mois. Quand je suis venue m’installer à Cotonou avec mon homme, c’était une très belle histoire, un conte de fée. Avec le temps, il y a eu une grosse jalousie, un gros pouvoir de contrôle, un  manque de respect, des conflits, de la colère. Ensuite, c’est devenu très difficile à vivre pour moi, surtout que je ne connaissais pas du tout le pays.

Comment as-tu vécu ces violences surtout venant de ton homme ?

 Sourire… Comme toutes les femmes qui vivent les violences ! La violence détruit l’âme et ça nous détruit. Personne ne la vit bien. Je suis une personne très joyeuse, je souris beaucoup et du coup, perdre ma joie de vivre m’a beaucoup fait dépérir. J’ai perdu confiance en moi, j’étais méconnaissable et pire, je suis tombée dans une dépression et un mal-être profond qui m’affectent encore.

Campagne contre les violences faites aux femmes 25 novembre 2017

Et, finalement, tu as décidé un jour de dire STOP à tous ces mauvais traitements que tu subissais. Quel a été l’élément déclencheur?

Quand on vit le cycle de la violence, à un moment donné, on en a marre et ça vient tout seul. Moi, j’ai dit STOP le 25 novembre 2016, quand j’ai fui pour dormir dans la rue parce que les dénigrements et les humiliations étaient énormes. C’est significatif parce que je ne savais pas que c’était la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. J’ai fui dans un pays que je ne connaissais pas. J’ai pris conscience que je ne voulais plus vivre tout ça et j’ai agi.

Qu’est-ce qui motiveraient alors certaines femmes victimes de violences à rester malgré tout?

Il faut noter que les couples dans lesquels les femmes sont victimes de violences, l’homme n’est pas toujours un monstre. Il arrive des moments où tout va très bien, l’harmonie règne. Et dans ces conditions, vous avez encore espoir que ça change jusqu’au jour où vous comprenez que ça ne changera pas. Il est important de savoir que certaines victimes ne partent pas parce qu’elles n’ont personne à qui se confier ou qu’elles ont peur pour leur vie et celles de leurs enfants. D’autres ne veulent pas être vues comme des victimes pour ne pas engendrer la pitié dans leur entourage. Mieux, dans notre société africaine, la femme qui décide de quitter son mari pour une raison ou une autre est mal perçue. Notons aussi qu’il n’y a pas de structures adéquates pour les accueillir et c’est ça aussi l’objet de la bataille : éveiller les consciences.

Campagne contre les violences faites aux femmes 25 novembre 2017

Comment envisages-tu à présent l’avenir ?

Depuis un an et demi, je me bats contre les violences faites aux femmes. Je suis en reconstruction et pendant ce temps, j’ai décidé de m’investir dans la sensibilisation. Aujourd’hui, j’ai fondé l’association « J’ai décidé de vivre » qui a pour but de fournir du contenu digital, d’apporter des informations et de sensibiliser à travers des campagnes qui impliquent hommes et femmes afin que la documentation sur la lutte contre les violences faites aux femmes en Afrique francophone soit mieux fournie sur le web. Je suis désormais une web-activiste des violences faites aux femmes.

Pour toutes ces personnes qui souffrent dans le silence et l’ignorent, quels sont les indices des violences faites à l’égard des femmes ?

La jalousie abusive, l’envie de contrôler tout le temps, les énervements insensés sont des attitudes qu’il faut corriger avant qu’elles ne laissent place à la violence conjugale. Il faudra miser sur la sensibilisation accrue. Il est également important de savoir parler aux victimes de violences, ne jamais les blâmer ni les culpabiliser car ce sont des personnes qui sont extrêmement meurtries et qui ont des traumatismes.

Quel est ton message pour les femmes africaines en cette occasion marquant la JIFA?

Il faudrait que nous les femmes, nous soyons désormais des battantes et gagnantes contre  les violences car nous avons longtemps été des perdantes. Des femmes qui se reconstruisent, s’épanouissent sont autonomes et surtout décident d’aller de l’avant.

J’invite les femmes à prendre conscience de leur force, à se battre et à être solidaires en toute chose. Je dis à mes sœurs qu’elles ont le pouvoir de réaliser leurs rêves et toutes les capacités pour aller au sommet parce que nous sommes fortes. Ce n’est pas gagné d’avance parce que nous évoluons dans une société africaine où on nous apprend à reconnaitre nos valeurs à travers les yeux des hommes mais, il ne faut pas qu’elles oublient qu’elles sont avant tout des êtres humains et qu’elles doivent réaliser leur destinée. Et comme j’aime le dire, la tombe de chacun portera son nom. Nous méritons respect et honneur et nous sommes venues au monde pour être heureuses, faire de grandes choses et être actrices de développement, pas pour supporter les violences ni la souffrance ni l’esclavage mental perpétués par des traditions désuètes.

Quelle devrait être la responsabilité des hommes dans ce combat ?

On remarque que ce combat a un visage de femme alors que les violences sont commises en général par les hommes. La lutte embrasse plusieurs secteurs et les hommes doivent prendre le devant pour nous défendre parce que nous sommes dans une société patriarcale.

Au-delà de tout, ils sont des pères et ce serait dommage pour un père de savoir sa fille victime de violences. Les hommes doivent être des acteurs dans la lutte à travers une sensibilisation massive, des réformes, la défense et l’application des lois.

Que faut-il faire pour une meilleure visibilité des actions sur cette thématique importante ?

Il faut qu’il y ait des femmes qui se consacrent essentiellement à cette lutte et ne pas attendre les journées consacrées à la femme pour agir. Les actions doivent être quotidiennes car tous les jours, les femmes sont victimes de violences. La violence est un tueur silencieux et il faut que tout le monde agisse pour y mettre un terme. Ce n’est pas un problème privé mais plutôt une affaire sociale et nationale.

Il faut donc que les États en Afrique s’impliquent davantage, que les chefs d’États et les premières dames prennent à bras le corps ce problème. Il faut mettre des moyens à disposition pour des campagnes de sensibilisation et au besoin créer des ministères de lutte contre les violences faites aux femmes.

Toute l’équipe d’Obinrin te dit un sincère merci pour avoir accepté de répondre à ses questions et aussi pour cette noble cause à laquelle tu te consacre désormais. Un souhait à présent pour finir ?

Allons au-delà des publications, outillons les ambassadrices de la lutte pour un travail de qualité avec l’accompagnement de nos États.

Irmine Fleury Ayihounton

Irmine Fleury Ayihounton

Béninoise née le 12 Avril à Cotonou, je suis Spécialiste en Développement Communautaire et je poursuis actuellement une maîtrise en santé publique à l'Université de Montréal. Je m'investis au quotidien sur les questions de santé de reproduction, de leadership et développement des filles et femmes d'Afrique.

4 Comments

  • GOUTHON Gilchrist Fabrice dit :

    Je suis sidéré par les travaux de cette grande équipe OBINRIN qui a le souci de l’épanouissement de la gente féminine. Les femmes restent cette catégorie de personnes souvent marginaliséesau travers de multiples situations.
    Ne sommes nous pas heureux de savoir que nombreux sont ceux qui luttent contre cette marginalisation de le femme. Elles nos mères, nos sœurs, nos douceurs avec bien d’autres aspects qualitatifs. Pour les violenter, pendant qu’elles sont tout comme nous mêmes des êtres humains.
    La violence à l’égard des femmes doit rester une lutte permanente. Cette violence s’observant sous plusieurs formes est un frein au développement de nos communautés. Il faut un plein épanouissement de ces femmes afin de les voir jouer leur partition dans les politiques de développements de leur localités.
    Restons éveillés pour répondre favorablement à cette alerte quotienne de OBINRIN. Luttons ensemble pour voir les dames, les demoiselles, nos sœurs, nos mères dans un événement continu de joie et de bonheur dans leur famille, dans leur environnement immédiat voire dans leur communauté.
    OBINRIN, GOOD JOB

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